Ils sont venus de centaines de kilomètres alentour. Descendus des montagnes, des glaciers et des vallées mythiques de la région.
À Leh, la ville perchée des montagnes du Ladakh, tisserands, fileurs et designers se sont rassemblés pour partager leurs histoires, leur savoir-faire et présenter aux acheteurs et créateurs du monde entier ce qui rend la laine de pashmina de cette région si renommée.
Storie a été invité à découvrir cette ville ancienne de l'Himalaya et son précieux héritage textile. L'une de nos premières rencontres fut avec Konchok Stobgais, un visionnaire de terrain qui forme les tisserands et artisans nomades de la laine. Issu d'une famille nomade, il a joué un rôle majeur dans le développement de l'industrie du pashmina dans la région : « Je devais devenir berger. Pour notre famille, s'occuper des moutons et des yaks était plus important que l'école. ».
Il rit, conscient que cela peut sembler étrange à d'autres cultures, mais insiste sur le fait que la vie des villageois nomades de l'Himalaya est indissociable de leur profession de berger :
« Le Ladakh est très dispersé à travers les montagnes. Et nous, les nomades, ne voulons pas migrer en ville. De plus en plus de jeunes souhaitent trouver des opportunités dans leur village - le pashmina est une façon de préserver notre mode de vie traditionnel. »
Non seulement cette activité dynamise les économies locales isolées, mais elle repose aussi sur un savoir-faire ancestral et éprouvé :« Le pashmina est essentiel à notre subsistance. Leh dépend beaucoup du tourisme, qui est une industrie fragile. Mais la fibre, elle, est durable. Nous avons besoin de plus de formations et d'outils technologiques dans les villages. »
Stobgais sait qu'avec les ressources adéquates, les artisans locaux peuvent créer des produits de haute valeur :
« Je veux aider mes frères et sœurs nomades dans les villages. Je veux leur apporter le développement, sans les déraciner. C'est mon espoir. »
Ce qui caractérise le pashmina du Ladakh, c'est une démarche d’authenticité, de durabilité et d'excellence. La fabrication de ces étoffes est intimement liée à la culture des nomades de la région, et son essor est considéré comme un levier essentiel pour préserver ce mode de vie ancestral.
Vers une reconnaissance du pashmina ladakhi
Depuis des générations, l'industrie du cachemire était dominée par la région voisine du Ladakh, le Jammu-et-Cachemire. Les commerçants Kachemiris achetaient la laine brute au Ladakh pour la transformer en produits finis dans leurs ateliers.
Mais dès les années 2000, une initiative a vu le jour pour promouvoir un produit véritablement Ladakhi, exploitant les ressources naturelles uniques de la région, « Avant, nous ne savions pas quoi faire de cette laine. Nous la vendions à bas prix. » explique Stobgais. Puis, ils ont compris qu'en ajoutant eux-mêmes de la valeur à la laine, ils pourraient prospérer.»
En 2004, le gouvernement soutient la création de 22 coopératives locales, permettant d'acquérir des machines et d'organiser de multiples formations. Désormais, chaque étape de transformation se fait localement : la laine est triée, traitée, filée à la main et tissée par des artisans d'exception. Sa rareté détermine le prix final. Après la récolte annuelle, les artisans ont le droit d'acheter un quota défini de laine traitée, et ce jusqu'à l'année prochaine. Le prix du produit fini dépend de la quantité de matière tissée : un jeté épais et tricoté va coûter bien plus cher qu'une écharpe fine et élégante.
Jigmet Chorol et sa sœur Diskit, fondatrices d'une jeune marque de pashmina basée à Leh, expliquent la singularité de cette fibre :
« Le pashmina du Ladakh fait entre 12 et 14 microns d'épaisseur. C'est ce qui en fait la plus fine et la meilleure laine au monde. »
Elle décrit comment l'élevage des chèvres à haute altitude influence la qualité de leur toison, qui ne se développe qu'à des températures extrêmes.
« Une fois par an, les chèvres muent naturellement. Nous récoltons la laine en la peignant, puis nous la dégrossissons. Jusqu'à 70 % des fibres sont perdues au nettoyage, puis nous filons et tissons à la main. »
Tous ces facteurs expliquent le coût élevé de cette laine rare.
Il règne un véritable sentiment d’optimisme parmi tous les artisans que nous avons rencontrés. En 2024, le pashmina du Ladakh a obtenu le statut d'Indication Géographique (GI) du gouvernement indien, garantissant son authenticité et sa qualité. Cette reconnaissance ouvre la voie au marché du luxe, offrant un avenir prometteur à tous les artisans engagés dans le développement de cette jeune industrie grâce à leurs ressources ancestrales.
Le pashmina est une laine de cachemire ultra fine, d'un diamètre de 12 à 14 microns. À titre de comparaison, une fibre doit mesurer au maximum 19 microns pour être considérée comme du cachemire ; la laine mérinos mesure en moyenne entre 20 et 22 microns, et la laine classique entre 25 et 30 microns.
Le pashmina provient de la chèvre Changthangi, élevée à plus de 3 000 m d'altitude. Ces conditions extrêmes favorisent la croissance d'une toison hivernale particulièrement chaude et douce. Au printemps, les bergers la récoltent avec soin en peignant les animaux. Ensuite, la laine brute doit être traitée par des experts avant d'être filée et tissée à la main, chaque étape requérant un savoir-faire exceptionnel.
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Écrit par Fiona Cameron lors d'un voyage au Ladakh en 2024. Si vous souhaitez obtenir de plus amples informations sur l'approvisionnement en produits de cette région, n'hésitez pas à nous contacter.